Victoire

Je m'appelle Victoire. C'est un prénom que j'aime. Un prénom que je n'ai entendu nulle part ailleurs et qui, je crois, a précipité dans ses trois syllabes mon goût pour la solitude.Être seule devait être ma destinée, du moins ai-je eu envie de croire en la prophétie de Victoire, de sorte que cette infirmité, je ne sais même plus, à vrai dire, si j'ai eu à en souffrir un jour. Je crois plutôt que, très vite, de cette originalité linguistique j'ai tiré une sorte d'orgueil. Une haute opinion de ma personne – ou plus précisément de la personne portant ce prénom - qui m'a permis de tout supporter.Ce tout qui , en fait, et c'en est presque amusant, a été une absence de tout justement. Qui a été la médiocre et confortable transparence de ma vie, son inimportance calme et disciplinée, presque complice. Qui a été mes épaules grises aussi, mon teint bas, mes cheveux ni longs ni courts, ma féminité tronquée, la virilité des hommes que je n'ai pas révélée. ..Il y avait, sous tout cela, les trois syllabes tranchées de mon prénom : VIC - TOI – RE. Trois mâts fermement plantés, solides, prêts à soutenir mon front. A faire front devant le miroir que je fuyais pourtant.«...Non, ce n'est pas moi, cette silhouette docile qui glisse par là bas... Ce n'est pas moi. Moi, je suis Victoire. En d'autres lieux, peut être vous aurais-je laissé voir sous mon front les trois mâts robustes et fiers de mon prénom...

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